AFRIQUE DU NORD
1901 – 1932 : VOYAGES EN AFRIQUE DU NORD
Pour ses premiers voyages en Afrique du Nord, Henri Émilien Rousseau choisit de se rendre en Tunisie en 1901, 1902 et 1911, logeant parfois chez des membres de sa famille. Certaines villes ont sa prédilection, comme Tunis, Kairouan, et surtout Monastir et ses oliveraies qu'il représente dans des dessins et des études à l'huile. L'artiste, comme beaucoup de ses prédécesseurs, est frappé par la clarté presque aveuglante de la lumière : « j'ai toutes les peines du monde à habituer mes yeux et ma palette aux blancheurs des rues de Tunis ; blancheurs désespérantes car la note la plus foncée est souvent tellement claire qu'on ne sait plus qu'employer pour les lumières ; on voudrait avoir de la couleur phosphorescente. » Les voyages en Tunisie confirment la fascination de Rousseau pour les chevaux ; lors de son deuxième séjour, il déclare : « Mon but cette fois, est le cheval arabe. »
S'il traverse l'Algérie en 1901, Rousseau ne découvre véritablement ce pays qu'en 1905. Il y séjourne deux mois, dépassant rapidement Constantine pour se rendre dans les oasis du Sud de Biskra. Par la suite, il y revient deux fois, en 1906 dans le département d'Oran et en 1908 dans le Constantinois. C'est en Algérie que le peintre trouve son sujet favori : le cavalier. Dans la veine d'un Fromentin qui qualifiait ce dernier de « centaure », Rousseau est sensible à la relation particulière qui unit le maître et sa monture. Une même noblesse les caractérise ; « ces beaux cavaliers dont le haïk s'enfle comme une voile autours des épaules » montent des destriers à la « souplesse qui chatoie dans la lumière, [à] l'élégance féminine et ferme rappelant celle du félin ».
Rousseau se rend cinq fois au Maroc entre 1920 et 1932. Il rencontre là bas à maintes reprises des personnalités importantes de la vie artistique et politique du pays, comme le peintre Jacques Majorelle, le directeur du Service des monuments historiques et des beaux-arts Jules Borély et le Glaoui de Marrakech, dont Rousseau réalise le portrait. Sans doute sous l’influence des idées de Lyautey, le peintre est sensible à l’architecture des villes impériales : « pour pénétrer en ville, il faut descendre, passer sous des portes monumentales crénelées et dorées par le cuisant soleil. […] Dans la poussière du passage sont accroupis les gardiens enveloppés de leurs djellabas, la tête encerclée d’un petit turban blanc. »
En définitive, le peintre éprouve pour l'Afrique du Nord une tendresse et une admiration mélancolique car il sait que cette vie qu'il contemple est en voie d'extinction. Lors de son dernier séjour, en 1932, dans le train pour Marrakech il écrit à sa femme : « Je crois que j'ai été attiré en Afrique par la vie simple et sans grands besoins de ces buveurs d'airs qui empruntent une part de leur sagesse aux vastes espaces. Une beauté se dégage de ces hommes qui circulent lentement sur des bêtes de somme […]. Ces Arabes paraissent bien les descendants des fils de grandes tentes, les conquérants de la foi islamique !»